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Paysages de France : Règlement de publicité et environnement : outil perverti ou levier privilégié ?
Toutes les communes dites isolées qui possédaient un règlement local de publicité avant 2010 sont censées l’avoir révisé. À défaut, depuis le 14 janvier 2021, c’est le retour à la réglementation nationale, généralement plus laxiste encore que les règlements locaux. De même, les métropoles et les intercommunalités compétentes en matière d’urbanisme sont tenues d’élaborer un règlement de publicité intercommunal (RLPi) d’ici le 13 juillet 2022 dernier délai.

De Lille à Nice, de Brest à Strasbourg
Pour Paysages de France, la tâche a été immense, et le reste, avec le suivi de centaines de projets dont, entre autres, ceux concernant de très vastes territoires tels que la Métropole européenne de Lille (MEL), qui a elle seule regroupe 5 communes, l’Eurométropole de Strasbourg, Brest Métropole, ou, actuellement, les métropoles de Rouen, Nice Côte-d’Azur ou Nantes. Et, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, les métropoles de Clermont-Auvergne, Saint-Étienne et Lyon. Sans compter, bien sûr, Grenoble-Alpes-Métropole, pour laquelle, hélas, Paysages de France a été la seule et unique association à avoir participé aux réunions de travail et de concertation.
La publicité, accélérateur majeur des désastres écologiques
Pourtant, l’enjeu est considérable car il va bien au-delà de la seule question du paysage et du cadre de vie. La publicité n’a en effet d’autre finalité que d’inciter à acheter et consommer. C’est sa raison d’être. Et lorsqu’elle donne un coup de peinture verte à ses pratiques ou lance des campagnes « gracieuses » en faveur de causes humanitaires, elle cherche tout simplement, par ce biais, à conforter le système publicitaire lui-même. Voire à tenter de retourner celles et ceux qui en font le procès. Or la publicité est, de fait, le moteur et l’accélérateur majeurs, par cette incitation perpétuelle, continuelle, obsessionnelle à consommer, des désastres environnementaux et écologiques dont notre planète est victime aujourd’hui.
Aux arrêts de bus, de la publicité plein la vue
Et, comme si le harcèlement publicitaire, omniprésent dans les médias et sur la toile, ne suffisait pas, il faut, en plus, qu’il se déploie et s’impose jusque dans nos rues, parfois à quelques centimètres seulement de nos regards lorsque nous attendons le bus ou le tramway. C’est ainsi que, sur les trottoirs des villes du monde, poussent entre autres, des millions d’abribus (marque déposée) bardés de publicité. Et cela jusque dans des villes qui se prétendent à la pointe du combat contre le réchauffement climatique, et même jusque dans les lieux où la publicité est normalement interdite par le code de l’environnement et ne peut être autorisée qu’en dérogeant à la loi.
Des centaines de millions de lumières supplémentaires
On comprend dès lors l’extrême importance que revêtent les choix qui sont opérés lorsqu’une collectivité met en place un règlement local de publicité. A fortiori lorsque cette dernière prétend être exemplaire en la matière. Ceci d’autant plus que les nuisances engendrées par la publicité dite extérieure ne se limitent pas à ceux de la publicité en général. Ce sont aussi, sur la planète, des centaines de millions de lumières supplémentaires qui trouent le ciel nocturne, cachent les étoiles et perturbent la faune. Et, avec les écrans numériques, des éclats de lumière jaillissante, abolissant dès le crépuscule et dès l’aube, tout ce qui les entoure.

Le pouvoir est à celui qui le prend
Face à une telle situation, que peut un règlement de publicité, qu’il soit communal (RLP) ou intercommunal (RLPi) ? Si interdire totalement reste interdit, rien en revanche n’empêche de protéger de toute publicité certains lieux. Ni de proscrire certaines catégories de dispositifs, à commencer par les plus intrusifs, les plus dévoreurs d’énergie. Ceux qui, par leurs dimensions, leur luminosité ou la mobilité de leurs images et de leurs messages, relèvent à l’évidence d’une forme de harcèlement, délétère pour la planète. Ceux encore qui sont, tout simplement laids et encombrent nos trottoirs comme nos regards. Rien n’empêche non plus de limiter le nombre, la surface et les hauteurs de ceux que l’on autorise. Ni de mettre fin à une logique permettant que soient abandonnés aux afficheurs certains quartiers, au prétexte qu’ils sont déjà dégradés ou considérés comme de faible intérêt paysager. Car l’enjeu est aussi de faire en sorte que tous les habitants d’un même territoire bénéficient, en la matière, du même respect, autrement dit du même niveau de protection de leur environnement.
L’Isère, loin d’être exemplaire ?
L’Isère comme les autres départements de France est bien sûr concernée. C’est ainsi que des villes comme Vienne, des intercommunalités comme Grenoble-Alpes-Métropole ont déjà révisé ou élaboré leur RLP(i). Que d’autres projets comme ceux de Voiron, Voreppe ou La Buisse, démarrent, sont déjà avancés ou en cours d’achèvement.
Comment a été utilisé l’outil RLP dans ces collectivités ? Si des mesures de limitation ou de réduction ont pu être prises ou sont envisagées ici ou là, le bilan est globalement loin d’être satisfaisant, cela notamment à cause de l’influence de certains bureaux d’études habitués à raisonner selon des schémas obsolètes au regard des enjeux en cause.
Six fois plus grands qu’à Paris !
À Vienne, il n’a été tenu aucun compte de ces derniers ni même de l’image qu’une ville riche d’un patrimoine bimillénaire devrait avoir à cœur d’offrir. Le projet a été confié à un bureau d’études créé par d’anciens cadres du numéro 1 mondial de l’affichage publicitaire sur « mobilier urbain », et le résultat est là : à Vienne, sur les trottoirs pourront être installées des publicités d’une surface pouvant aller dans certains secteurs jusqu’à six fois la surface maximale autorisée à Paris ! Inutile dans ces conditions d’en dire plus, tout le reste étant à l’avenant.
Outil perverti : quand le RLP sert à autoriser la publicité là où la loi l’interdit
À Grenoble, il a fallu contrer la proposition du bureau d’études qui avait été missionné pour que la surface des publicités murales soit ramenée 4 m2 maximum*, considérés par Paysages de France comme la ligne rouge à ne pas dépasser. Pour autant, la surface maximale de 2 m2 pour les publicités scellées au sol, 1ère des « 10 mesures, immédiates et incontournables, pour engager une dépollution des paysages » réclamées dès mars 2009 par France Nature environnement, Paysages de France, Résistance à l’agression publicitaire et Sites & Monuments, n’a pas été retenue. Conséquence : dans 22 des communes de la métropole, toute publicité scellée au sol restera proscrite tout simplement parce que le code de l’environnement y interdit ce type de dispositif et qu’aucune dérogation n’est possible. En revanche, les 27 autres communes seront polluées par des panneaux publicitaires de 4m2 scellés au sol, lumineux et à affiches défilantes. Des panneaux qui non seulement jurent dans le paysage, mais qui contredisent dans les faits le discours d’une métropole qui se prétend « à la pointe du combat contre le dérèglement climatique ».
Le fin du fin de la technique publicitaire
Et que dire d’une métropole quiambitionne de « relever le défi climatique » tout en autorisant également l’installation de centaines de panneaux publicitaires sur les abris pour voyageurs ? Cela y compris dans des lieux, tel le site patrimonial remarquable (SPR) de Grenoble, où toute publicité est normalement, interdite… Qui plus est, des publicités dont certaines seront numériques.
C’est dire à quel point l’emprise de la publicité est forte, elle qui parvient à contaminer et à instrumentaliser ceux-là mêmes qui se targuent de la combattre, jusqu’à faire de certains de ces derniers l’un des plus sophistiqués de leurs outils de communication.
Montagne d’enseignes
Quelle étrange posture également que de s’être farouchement opposé à la proposition de Paysages de France de ne pas autoriser les enseignes sur toitures. Ces dernières se retrouvent donc admises dans toutes les zones commerciales de la métropole ! Cela alors même que nombreux sont les RLP qui les interdisent. Une aberration paysagère, certes, incompréhensible quand on songe à l’écrin qui entoure la capitale des Alpes françaises et donc à ce cadeau que lui a offert la nature.
Mais également une aberration environnementale, toutes ces enseignes étant non seulement de grandes dimensions, mais lumineuses.
Et même, une aberration économique puisque ces dispositifs, ostentatoires, favorisent la grande distribution au détriment des commerces de proximité et de centre-ville, et donc vont à l’encontre d’un exercice moins féroce de la concurrence entre acteurs économiques.
Qui sera celle qui montrera réellement la voie ?
Oui, les RLP(i) peuvent être l’outil qui permet aux collectivités de prendre sur leur territoire les mesures qui, au regard des multiples enjeux en cause, devraient « naturellement » s’imposer à toutes.
C’est pourquoi Paysages de France garde l’espoir que Grenoble-Alpes-Métropole saura rectifier le tir et ne pas attendre indéfiniment avant de réviser son projet. Que Voiron, Voreppe et La Buisse sauront se montrer à la hauteur des enjeux. Que l’exemple donné par certaines communes proches de Grenoble, qui ont décidé d’interdire purement et simplement les publicités scellées au sol, sera suivi. Et que cette puissante voisine qu’est la métropole de Lyon ne cèdera pas aux incessantes pressions qu’exercent les publicitaires aussi bien sur les collectivités qu’au plus haut niveau de l’État. Et donc deviendra celle qui montrera réellement la voie et renversera la logique délétère qui, en la matière, prévaut encore trop souvent jusque-là où l’on ne jure que par l’environnement.

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@paysagesdefrance